L'incident qui s'est produit au tribunal militaire du Kef, où les juges ont décrété le huis-clos et ont saisi les caméras de Winston Smith (Ramzi Bettaieb) journaliste à Nawaat, a poussé ce dernier à s'engager, avec son collègue, Houssem Hajlaoui, dans une grève de la faim, .

C’est, en premier et en dernier lieu, d’un problème de liberté de presse qu’il s’agit : la liberté d’informer et surtout le droit du citoyen à une information libre et impartiale. Winston Smith nous dit tout cela par sa lutte. Mais il a posé aussi, au-delà, le problème de l’existence de tribunaux d’exception comme le tribunal militaire, composé de magistrats-officiers désignés par le corps militaire, et relevant de ce corps sur le plan disciplinaire.

De tels tribunaux peuvent-ils juger sereinement dans des affaires directement ou indirectement politiques, où l’armée est peut-être une partie dans le conflit ?

Et, en ce temps de maintien de l”Etat d’urgence, ne disposent-ils pas de pouvoirs disproportionnés, propres à fausser leur fonctionnement, les décisions de huis-clos injustifiées et vexatoires pour les citoyens en sont une illustration ? Nous n’avions pas, dans le projet de constitution rédigé à Mahdia et défendu par les candidats des listes “Doustourna” aux élections, assez réfléchi à ce point, pourtant très important pour un Etat démocratique : il ne doit pas y avoir de tribunaux d’exception. Et aucun Tunisien n’a à être jugé par un tribunal d’exception, fût-il des plus sourcilleux en matière d’application stricte des lois : les justiciables doivent être soumis à la loi et à la justice, pouvoir constitutionnellement indépendant en principe, et non à une juridiction qui dépende du pouvoir exécutif.

Dans le cas d’espèce, il s’agit d’un problème politique qui concerne tous les Tunisiens, et en premier lieu les familles des victimes, il est inadmissible que des juges s’arrogent le droit de trier ce que le peuple peut savoir et ce qu’il faut lui cacher : au nom de quoi, avec quelle légitimité exercer un tel tri ?

Winston Smit a voulu faire son travail de journaliste, il a rencontré la répression de l’armée, s’est vu menacé de poursuites. Peut-on tolérer que, sans aucune justification légale, les juges décident de confisquer les moyens de travail des journalistes (un commandant a même dit à Ramzi qu’il disposait de ses enregistrements de conversations au téléphone !) afin de priver les Tunisiens de connaître une partie de leur histoire ?

Il faut soutenir le combat de Ramzi et Houssem, c’est notre combat, c’est une partie de la révolution, aussi importante que toutes les autres.

 

http://www.lecourrierdelatlas.com/275231052012Tunisie-Martyrs-de-la-revolution-Ramzi-Bettaieb-journaliste-en-greve-de-la-faim.html

publié par Gilbert Naccache sur Facebook le 10 juin 2012